11 octobre 2012

David Lynch philosophiquement (France Culture)

Philosopher avec David Lynch
(Adèle Van Reeth; Les nouveaux chemins de la connaissance; France Culture; 8-11 oct 2012)


1. Cinéaste de l'âme et du corps (8 oct 2012) [MP3] 58'
Avec : Mathieu Potte-Bonneville, professeur de philosophie
Demain, David Roche viendra questionner ce qu’il reste de l’identité quand la subjectivité se brise en éclats de matière, à partir notamment de Lost Highway et de Mullolhand Drive ; mercredi, le philosophe Eric Dufour s’interrogera sur l’expérience d’une temporalité non linéaire propre au rêve et au cauchemar dans les films de Lynch, et jeudi, c’est Pacôme Thiellement qui aidera à penser les vices et vertus de la culture américaine et de la fin de la télévision à partir de la série  et du film Twin peaks. Mais pour commencer cette semaine, c’est le philosophe Mathieu Potte-Bonneville qui vient réfléchir au problème de l’union entre l’âme et le corps à partir de l’univers fictionnel donc bien réel d’un cinéaste qui fait du point de vacillement entre la réalité et le rêve la meilleure façon de penser le réel.
Bibliographie :
  • Méditations métaphysiques, objections et réponses suivies de quatre lettres (René Descartes)
  • L'Ethique (Spinoza)
  • Elephant Man (Frederick Treves; 2012)
  • Extrait de Conférences de Borges (1985)

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2. Identité et subjectivité (9 oct 2012) [MP3] 58'
Avec : David Roche, philosophe, maître de conférences à l'Université de Bourgogne
Deuxième temps aujourd’hui de notre semaine consacrée  la pensée en mouvement de David Lynch. Après le dédoublement de l’âme et du corps  hier lundi, avant l’implosion du temps en une spirale linéaire, demain mercredi, et la folie de Twin Peaks, jeudi, c’est aujourd’hui en compagnie de David Roche que nous allons réfléchir à l’univers lynchéen à partir de la question de l’identité des personnages, et le décalage entre ce qu’ils sont, ce qu’ils rêvent d’être, ce qu’ils n’arrivent pas être, et le récit fragmentaire et sinueux qui en résulte. A l’affût de signes et indices, le spectateur se fait détective et tente de construire un récit à partir de ce qui n’est peut-être, que la narration d’une subjectivité éclatée.
Bibliographie :
  • L'imagination malsaine (David Roche; 2008)
  • David Lynch (Thierry Jousse; 2012)
  • David Lynch: entretien avec Chris Rodley 
  • David Lynch (Chris Rodley; 2012)
  • Paul Ricoeur, temps et récit (1985)

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3. Le temps d'un cauchemar (10 oct 2012) [MP3] 58'
Avec : Eric Dufour, agrégé de philosophie
Dans le monde de David Lynch, le temps se répète mais ne ressemble pas,  dans l’univers des Nouveaux chemins, les émissions s’enchainent mais ne se répètent pas, après Mathieu Potte-Bonneville, venu lundi nous parler de l’âme et du corps dans les films de Lynch, David Roche qui hier a tenté de recoller les morceaux de l’identité éclatée dans Lost Highway, avant Pacôme Thiellement qui demain s’affolera autour de Twin Peaks, c’est aujourd’hui le philosophe Eric Dufour qui vient nous montrer comme la matière, le temps et l’image sont au service d’une esthétique de l’horreur chez  David Lynch.
            C’est parce qu’il est fait de matière, d’image et de temps que le cinéma peut faire jaillir l’horreur non pas seulement à l’écran, mais en nous, en estompant, par endroit seulement, la limite qui sépare le rêve de la réalité. Quel est ce monde qui nous effraie et qui ne ressemble pas au nôtre, sans lui être totalement étranger? C’est un cauchemar, entendez, c’est un film de David Lynch. Pensez au visage du clochard dans Mulholland drive qui, en une demi-seconde d’apparition à l’écran, marque durablement notre mémoire. Rappelez-vous l’angoisse suscitée par un couloir obscur dans lequel le personnage, tout simplement disparaît.
            Apparition et disparition, la ligne du temps, chez Lynch, se brise et se mord la queue en une circularité insoutenable, le mal est un virus qui se propage dans le sang et les rouge à lèvres et l’espace s’éventre au sein de l’image, tel un visage dont la banalité devient soudain effrayante.
            C’est en jouant avec les limites du réel que Lynch crée l’horreur. Le rêve n’est pas le contraire de la réalité, le virtuel ne s’oppose pas au réel, nous dit Bergson, et Lynch joue de cette continuité pour rendre fou, en noyant la banalité du réel au milieu de fantasmes éveillés.     Apprendre à regarder la texture de la matière pour se résigner à l’inexistence du présent : le cinéma de Lynch fait du rêve le pire ennemi de la conscience.
Bibliographie :
  • David Lynch : Matière, temps et image (Eric Dufour; 2008)
  • David Lynch: entretien avec Chris Rodley (2012)
  • David Lynch (Thierry Jousse; 2012)

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4. Twin Peaks, vices et vertus de l’ Amérique (11 oct 2012) [MP3] 58'
Avec : Pacôme Thiellement, écrivain et vidéaste
Dernier temps aujourd’hui de notre semaine autour de la pensée en images et en mouvement de David Lynch. Après le dédoublement de l’âme et du corps avec Mathieu Potte-Bonneville, lundi, l’identité éclatée avec David Roche, mardi et le cauchemar virtuel mais bien réel hier mercredi avec Eric Dufour, c’est aujourd’hui Pacôme Thiellement qui vient nous immerger dans l’univers mythique et mythologique de la série télévisée Twin Peaks.

Diffusée pour la première fois aux Etats-Unis le 8 avril 1990, la série Twin Peaks est l’occasion pour David Lynch d’explorer sur la durée les thèmes et procédés qu’il avait mis en œuvre dans ses précédents films. Cette série est une véritable saga, qui joue avec les codes du soap opéra à merveilles et sait trouver le ton juste en maintenant cet écart subtil avec la normalité qui fait tout le sel des personnages lynchéens.  Difficile de croire que les contraintes propres au petit écran - : affadissement des couleurs, écrasement de l’espace et perte de la qualité du son – n’aient pas dénaturé le travail du réalisateur. Mais c’est la sans doute la clé du succès non démenti depuis 20 ans de cette série : avoir brillamment mené la rencontre 30 épisodes durant entre  l’univers absurde, onirique et angoissant du réalisateur et la logique industrielle des images.
            Mais comment comprendre que, deux ans plus tard, lorsque Lynch s’attelle à la réalisation d’un film à partir de cette série, Fire WalkWith Me, il choisisse pour scène d’ouverture de montrer la destruction d’un tube cathodique, comme pour figurer la séparation nette de son travail et du petit écran ? tout comme le reflet dans le miroir qui montre parfois un autre personnage que celui qui se regarde, Lynch se serait-il pris au piège d’un poste qui l’aurait happé pour mieux l’en éjecter, mais sous une autre forme ?
Bibliographie :
  • La main gauche de David Lynch (Pacôme Thiellement; 2010)
  • David Lynch: entretien avec Chris Rodley (2012)
  • David Lynch (Thierry Jousse; 2012)
  • Ennéades traité 51, traduction de Laurent Lavaud (Plotin)
  • Conférences, traduction Françoise Rosset (Jorge Luis Borgès)



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